Mesdames et messieurs, asseyez-vous. Aujourd'hui, nous n'allons pas parler d'une mère allaitante ni d'une sage-femme bienveillante qui sensibilise à la maternité. Non. Aujourd'hui, nous allons parler de deux jeunes hommes, oui, deux adolescents qui, grâce à quelques lignes sur ce blog, ont changé de regard sur un geste ancestral, intime, souvent relégué aux femmes : l'allaitement maternel exclusif.
Et si les défenseurs de cette pratique n’étaient pas uniquement des femmes ?
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Source: UNICEF Côte d'Ivoire/ Frank Dejongh |
Et si l'avenir de cette pratique se transmettait aussi par les voix de ceux qui ne l'expérimenteront jamais dans leur chaise, mais qui en comprendront désormais toute la portée ?
À Issia, entre tournevis et téléphone portable
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Youssouf et Akanji |
Issia, ville de l'Ouest ivoirien, à une quarantaine de kilomètres de Daloa, chef lieu de région du Haut-Sassandra. C'est là que Youssouf, 16 ans, passe ses vacances. Il n'est pas en train de jouer au foot ni de scroller TikTok, ou pas seulement. Pendant les vacances, il répare des téléphones dans l'atelier de mon oncle. Entre deux batteries changées et quelques écrans fissurés, il découvre un autre monde, un monde fait de mots et de messages, celui de mes articles. « C'est en lisant tes articles que j'ai vraiment compris ce que c'était l'allaitement maternel exclusif. Je ne savais pas que c'était si important pour le bébé. », raconte-t-il.
Youssouf n'a pas encore d'enfant, évidemment. Mais il sait qu'il a été allaité, au moins en partie. Un allaitement mixte, comme il me l'explique : « Ma mère a 7 enfants. Elle nous l'a dit, elle nous a tous allaités un peu, mais aussi donné d'autres aliments. Pourtant, on est tous en bonne santé. »
Et c'est là que l'histoire devient intéressante : car malgré une bonne santé apparente, Youssouf se demande, avec cette sagesse précoce des jeunes qui observent le monde : Et si on avait eu encore mieux ?
Mohamed, les campagnes, et les grandes questions
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Akanji et Mohamed |
Juste en face, Mohamed, 19 ans qui tenait lui aussi à expliquer ce qu'il sait, se prépare à affronter les résultats du baccalauréat dans quelques jours. Il est originaire d'un village à quelques kilomètres d’Issia, là où l'allaitement est visible, naturel, presque banal. Mais ce qu'il observe, c'est surtout l'habitude de compléter très tôt le lait maternel : bouillie, eau, parfois même du lait concentré. Il m'en parle sans jugement, juste avec curiosité : « Je voyais mes cousines et mes tantes allaiter leurs bébés jusqu'à 4 mois ou 5 mois. Mais elles leur donnaient aussi de la bouillie. Je ne savais pas si c'était bien ou pas… ». C'est sur mon blog qu'il trouve des réponses. Pas des injonctions. Des informations. Il allume, il interroge, il comprend. Il se transforme. Pas en expert, mais en adolescent éveillé, conscient que ce geste qu'il observait sans y penser est en réalité un trésor pour la santé du nourrisson.
Alors je lui pose une question simple, presque anodine :
« Mohamed, si tu avais un enfant demain, lui offrirais-tu les bienfaits de l'allaitement exclusif ? » Il me répond avec un grand sourire :
« Oui. »
L'allaitement maternel traverse les genres
Il y a encore quelques années, peu aurait imaginé que des garçons de 16 ou 19 ans s'intéresseraient à l'allaitement maternel. Et pourtant, c'est ce qui est en train de se produire. Parce que l'information circule. Parce que les blogs, les réseaux sociaux, et les récits bien racontés éveillent des consciences.
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Source: UNICEF Côte d'Ivoire/Lydia Kouadio |
L'allaitement maternel exclusif, ce n'est pas qu'un acte féminin. C'est un enjeu de santé publique. C'est une responsabilité familiale. C'est une culture à transmettre par les mères, bien sûr, mais aussi par les pères, les frères, les futurs partenaires de vie.
Lorsque des jeunes hommes commencent à poser des questions du type : « Pourquoi est-ce important ? », « Est-ce que le lait maternel évolue vraiment avec le bébé ? », « Comment aider une femme à allaiter dans de bonnes conditions ? » …alors nous sommes sur la bonne voie. Parce que chaque question posée est une graine semée. Et chaque graine a le pouvoir de changer le monde d’un bébé à la fois.
Aujourd'hui en Côte d'Ivoire, l’UNICEF travaille en collaboration avec le gouvernement ivoirien pour sensibiliser les communautés à l'importance de cette pratique avec le soutien financier du Canada. Rappellons que le taux d'allaitement maternel exclusif en Côte d’Ivoire était de 34% en 2021 et l’Etat ivoirien s’est engagé à l'augmenter à 72% d'ici fin 2025.
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