Aujourd'hui, 12 juin, alors que le soleil se lève sur Bouaké et que je m'apprête à entamer ma journée, une pensée tenace ne me quitte pas : la Journée Mondiale contre le Travail des Enfants. Pour beaucoup, c'est une date inscrite sur un calendrier, un rappel. Pour moi, c'est une introspection, une prise de conscience brutale de la chance que j'ai, et de l'injustice criante que vivent des millions d'enfants à travers le monde.
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UN photo/Jean Pierre Laffont/Des jeunes garçons transportant des briques à New Delhi (Inde) |
Mon premier réflexe, ce matin, a été de repenser à mon propre parcours. J'ai eu la chance d'aller à l'école, de grandir dans un environnement où mon seul "travail" était d'apprendre, de jouer, d'être un enfant. Aujourd'hui, j’ai grandi, capable de me projeter, de construire mon avenir. Ce privilège, je le mesure d'autant plus que je sais qu'à quelques kilomètres d'ici, ou même plus loin, des enfants de mon âge d'antan, des enfants qui devraient être sur les bancs de l'école, sont épuisés par la tâche.
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UNICEF Nigeria/ Des jeunes collégiennes en uniforme scolaire |
Les chiffres, hélas, sont implacables et nous rappellent l'ampleur du désastre. Selon les dernières estimations de l'Organisation Internationale du Travail (OIT) et de l'UNICEF, près de 138 millions d'enfants étaient astreints au travail en 2024. Un chiffre qui donne le vertige, et derrière chaque unité, il y a une enfance volée, un potentiel gâché. Le secteur agricole est le plus touché : environ 112 millions d'enfants travaillent dans ce domaine à l'échelle mondiale, souvent dans des conditions dangereuses et insalubres. Cela représente la majorité des enfants travailleurs, une réalité qui me déchire le cœur quand j'imagine ces petites mains, habituellement destinées à tenir un stylo ou un ballon, manipulant des outils lourds et parfois toxiques dans les champs.
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UNICEF Côte d'Ivoire/Frank Dejongh/Des jeunes écoliers utilisant la plateforme "Mon École à la Maison" |
Je pense aux enfants qui, au lieu de rêver d'un futur, doivent simplement survivre au présent. Ceux qui, comme moi, ont besoin de lumière, d'éducation, de rires, sont forcés de suer sous un soleil impitoyable, leurs corps encore fragiles courbés sous le poids de la tâche. Ils méritent bien mieux que de travailler dans les champs, sous les plantations, ou dans n'importe quelle autre forme d'exploitation. Ils méritent d'explorer leur curiosité, de développer leurs talents, de vivre une enfance digne de ce nom.
La Côte d'Ivoire, bien que l'un des pays les plus engagés dans la lutte contre ce fléau grâce au soutien de l’UNICEF, n'est pas épargnée. Ici aussi, la pauvreté et les inégalités poussent trop de familles à faire des choix déchirants. Mais nous ne pouvons pas nous résigner. Cette journée est un appel à l'action. C'est l'occasion de dénoncer avec force cette injustice, de réaffirmer que le travail des enfants est une violation inacceptable de leurs droits fondamentaux.
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UNICEF Côte d'Ivoire/Frank Dejongh/M. Jean François Basse, Représentant pays de l’UNICEF Côte d'Ivoire jouant avec des enfants |
Il est de notre devoir collectif de s'assurer que chaque enfant ait la chance que j'ai eue : celle de grandir, d'apprendre, de rêver. De la sensibilisation à la mise en œuvre de politiques de protection sociale robustes, en passant par le soutien aux familles vulnérables et l'accès universel à une éducation de qualité, chaque geste compte. Mettons fin à cette honte. Offrons aux enfants le futur lumineux qu'ils méritent.
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